Marathon Barcelone 2018 - Récit


42,2km, 03h48min ! Dimanche 11 mars, 17 000 participants, 40ème édition du marathon de Barcelone. Voilà pour quelques chiffres. Mais l’essentiel… est ailleurs… Alors laissez-moi vous conter cette belle journée.
08h45, et je fais parti de la deuxième vague à s’élancer de la Plaza España (mon premier marathon !) au son de la belle version de Stand By d’Otis Redding dans les oreilles. Je gère mon départ; ne pas tout donner, 42km à tenir, et ne pas se cramer dès les premiers. Je laisse donc passer le flot de coureurs, on se retrouvera…
Surtout cette jambe à gérer; va-t-elle tenir ? Seule question qui vaille. Je serai vite fixé. Ce syndrome de "l’essuie glace" se manifeste généralement, au niveau de la rotule, à partir du cinquième kilomètres. On passe le Camp Nou, et les 5km, c’est fragile mais ça tient. Je m’efforce de respirer, et surtout de ne manquer aucun approvisionnement, suivant là le principal conseil que j’ai retenu parmi tant reçus !
Mais à partir du 10km, je sens que ma jambe, la gauche, ne me laissera pas en paix. J’ai donc recours à un cocktail magique : mélange d’anti-inflammatoires et d’ibuprofène, seule façon de tenir. Nous continuons à nous élancer dans les grandes avenues barcelonaises, et la si bourgeoise place Francesc Macia. Nous entrons dans l’Eixample en descendant Comte Urgell. La foule est au rendez-vous, pour nous encourager au son des "Venga!", "Anima!". Mais bientôt les "03h15", temps que je visais s’échappent, et il me faut renoncer à la performance. Je tente, tout de même, de maintenir le rythme sur cette Gran Via, où j’ai vécu, et de suivre un petit groupe de quatre aux maillots orange fluo, emmené par une belle au dos de laquelle est inscrit Elo (Elodie ?). Mais peine perdue ! Putain de jambe ! Lever le pied, et tenir. Seul !
15km, je suis lancé, mais commence là, pour ma part la partie la plus difficile du parcours, avec l’austère et très peu glamour avenue Meridiana, et son faux plat qui n’en finit pas ! Un vrai pensum ! Une boucle, très longue, trop longue. Alors la tête, oui c’est dans la tête… Je tiens ! Je passe les 21km, la moitié du parcours ! Et donc encore 21 !
Et, ce qui devait arriver, arriva ! D’abord un papy, qui crânement me passe, nous passe devant, puis une mamie de… Combien ? Presque soixante-dix, si ce n’est plus ! Elle est norvégienne… Inutile de jouer les coqs. Melvin, tenir… Tenir, à mon rythme.
Puis nous arrivons sur la partie de l’avenue Diagonal qui doit nous mener à Clot, pour repartir à nouveau en boucle. Et c’est à ce moment très précis qu’intervient la cristallisation, je crois que c’est le mot. C’est à cet instant que cette course prend tout son sens. Ce sera  là aussi que je ferai la rencontre décisive.
Depuis deux heures, je suis passé devant tant lieux qui ont été ma vie pendant six ans. Barcelone ! L’émotion manque de me submerger (breathless ! disent les anglo-saxons), j’ai les yeux humides. Barcelone ! Aide-moi ! Surtout, je te dois bien d’aller au bout. Ici, j’y ai aimé, j’ai eu mes peines, mes doutes mais aussi de grandes joies. Je me suis retrouvé dans cette ville. Et, aujourd’hui, j’assume tout, le bon, le mauvais de ces six années. En cet instant, tout me semble si clair, et je sais pourquoi je cours. Je crois n’avoir jamais autant coïncidé avec moi-même. Je pourrai m’arrêter ici ou bientôt, j’aurais parcouru près de 30km : honorable. Mais pas question ! Ce serait ? Capituler ! Non pas question ! Pour ma maman, ma famille, mes amis, et vous ! Oui, en ce moment, plus aucun doute, coûte que coûte, vaille que vaille, j’irai jusqu’au bout.
C’est donc à ce niveau que je fais la rencontre de Toni, et nous nous quitterons plus jusqu’au dernier kilomètre. Depuis près d'un kilomètre, j’observe que sans le vouloir, nous courons au même rythme. Il me dépasse, je reviens, et ainsi de suite… et ce sans esprit de compétition. Alors, dans cette nouvelle boucle, vient le moment où j’abaisse mon casque: je me présente, et nous nous disons « Venga ! Vamos juntos hasta el fin !». Il me confiera, après l’arrivée, que mes diverses tentatives d’amener la foule à nous encourager, en levant les bras ou faisant le signe de la victoire, lui furent d’une grande aide ! Je lui confierai que sans lui, ces dernièrs kilomètres n’auraient pas eu la même couleur. Le même rythme surtout !
30km de franchis ! Les 30km du mur dont on m’a tant parlé, où le brouillard commence. Je tends les bras, je ne sens rien ! Sans doute ma stratégie consistant à m’hydrater tout au long, et ce dès les premiers kilomètres fonctionne-t-elle. Et en fait ces derniers kilomètres seront sans doute les meilleurs de ma course, où je pendrai le plus de plaisir. Je continue à exhorter la foule à nous soutenir « Anima, anima ! ». Les jambes sont lourdes, à l’arrière, et devant, surtout à gauche je sens que cela peut craquer à tout instant. Mais il m’est poussé des ailes ! La tête, toujours… Je me répète inlassablement :" Je suis un guerrier, je suis un guerrier !". Ça marche !
Mais en effet ces derniers kilomètres sont un véritable champ de ruines ! Aux abords du parcours, j'observe ceux qui ont du abandonner, très certainement à contre-coeur, n’en pouvant plus; allongés et assistés par leurs amis ou la Croix-Rouge. Il y ceux aussi qui n’en peuvent plus mais qui ne veulent rien lâcher, il continuent tout de même, en marchant, ou titubant presque !
Vient le Paseo Maritime, et sans doute un des plus beaux tronçons. Le soleil est au rendez-vous, violemment insolent, en dessous la mer miroite... Il m’est poussé des ailes ! 9, 8, … 5km… Nous approchons ! Paseo Colon, au son de Marvin Gay je remonte cette avenue qui mène à la Parallel, ultime étape !
La Parallel donc, toujours aux côtés de Toni, et que j’ai remonté tant de fois à vélo, dont je si bien connais le dénivelé ! Oui, ça n’en finit pas : "Je suis un guerrier, je suis guerrier" . Nous faiblissons pas ! 40km, encore deux et quelque… Alors nous grimpons… À la fin de la Parallel restent encore quelques centaines de mètres ! Encore ! Toni fonce, et dans une ultime pointe franchit la ligne quelques secondes avant moi, je suis, et nous nous donnons l’accolade. Une amitié est née !
En début de semaine, je me posais la question suivante : est-ce la mission qui fait la coalition ou bien la coalition qui fait la mission ? Réponse en pratique, comme si souvent dans ma vie : « Les deux mon général ! ». Ce marathon m’aura permis de faire coalition, mais dans le même temps notre binôme, nous aura donner la force d’aller au bout de la mission ! Inutile d'en rajouter.
Ce dimanche, à Barcelone, comme ces milliers de personnes, et comme des millions d’autres ici et ailleurs avant, j’ai tenté, j’ai essayé de donner le meilleur de moi-même. Ce que je ressens en cet instant ? Fierté, sentiment du devoir accompli, d’un avant et d'un après, et surtout d’une émotion unique et partagée. Barcelone mi amor !

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